Les communautés coralliennes récifales vont subir de profonds changements dans les prochaines décennies. Les potentiels d'acclimatation et d'adaptation à des changements environnementaux sont comparés entre deux espèces de coraux Scléractiniaires zooxanthellés dominantes des récifs coralliens réunionnais : le stratège K Porites lutea et le stratège r Acropora muricata. Différents traits des holobiontes (survie, croissance, régénération, biomasse des tissus, contenu en protéines, composition lipidique) et de leurs zooxanthelles (identité génétique, paramètres photosynthétiques) sont caractérisés in situ sur deux à quatre sites des platiers récifaux peu profonds, distants au plus de 11 km. Leurs conditions environnementales offrent une large gamme de variation de température, d'éclairement, d'hydrodynamisme et de teneurs en éléments nutritifs.
P. lutea, associée à des zooxanthelles thermotolérantes Symbiodinium C15, présente un fort potentiel d'acclimatation. Après transplantation dans un environnement nouveau, P. lutea ajuste rapidement sa croissance et son contenu en protéines, sans présenter de mortalité. En revanche, A. muricata, associée à des zooxanthelles thermosensibles C2/C3, ne présente pas de telles capacités d'acclimatation et montre une mortalité élevée. Toutes les caractéristiques d'A. muricata (excepté sa biomasse de tissus) ainsi que les paramètres photosynthétiques et la biomasse de tissus de P. lutea sont marqués par une « empreinte » du site originel. Cette plasticité phénotypique limitée suggère une différenciation génétique à petite échelle. Chez A. muricata, elle se traduit par une tolérance accrue aux fortes températures dans l'environnement le plus variable. A. muricata montre également des capacités régénératrices supérieures à celles de P. lutea. Chez cette dernière, la régénération est corrélée à l'éclairement et la température, via leur contrôle des performances photosynthétiques des zooxanthelles symbiotiques. Une alternance saisonnière autotrophie/hétérotrophie est décelée chez A. muricata dans le site le plus exposé au milieu océanique.
La plasticité phénotypique de P. lutea, espèce longévive, lui permet de s'acclimater à des conditions environnementales changeantes. Les capacités de rétablissement d'A. muricata couplées à une capacité d'adaptation locale permettraient aussi à cette espèce opportuniste de survivre aux modifications du milieu attendues dans le cadre du changement global, dans des limites restant à définir pour ces deux Scléractiniaires.