Résumé
Dans la région sud-ouest de l?océan Indien, le requin soyeux et le requin peau bleue constituent les prises accessoires les plus importantes des palangriers et des senneurs, respectivement. Or, le manque de connaissances biologiques, écologiques et de statistiques de pêche pour ces deux populations dans la région limitent toute approche quantitative de gestion des stocks.
Cette thèse traite d?une part, des caractéristiques fonctionnelles décrivant les traits d?histoire de vie des populations à partir de la biologie de la croissance, et d?autre part, l?étude de leur écologie trophique. Deux matériels biologiques sont considérés : les vertèbres (âgeage - modélisation de la croissance - analyse de δ13C et de δ15N), et les muscles (analyse de δ13C et de δ15N).
Chez le requin peau bleue, la valeur de δ13C suggère un habitat strictement pélagique quel que soit leur stade de développement malgré un effet taille illustrant de possibles variations ontogéniques dans cet habitat. Cet effet taille prime aussi sur les variations de δ15N montrant que l?alimentation du requin peau bleue diffère selon les classes de taille qui adoptent une stratégie distincte d?utilisation des ressources signifiant l?absence de compétition entre jeunes et adultes.
Chez le requin soyeux, la valeur de δ13C montre une affinité pour l?habitat côtier. Les effets zones et saisons priment sur δ15N et les juvéniles collectés par les palangriers ont un niveau trophique supérieur à ceux capturés par des senneurs sous les DCP. Les DCP pourraient agir comme un piège détournant les poissons associés de leurs habitats traditionnels au détriment de leur alimentation et croissance.
Les valeurs de δ13C obtenues à partir des muscles de requin soyeux et de requin peau bleue sont bien discriminées (1.3? de différence). Bien que supposés occuper deux habitats différents, leurs niveaux trophiques sont toutefois similaires avec des valeurs de δ15N très proches. Par conséquent, ces deux prédateurs d?un même niveau trophique ne sont pas en compétition ni en terme d?habitat ni en terme de ressources.
Chez les requins peau bleue, la vertèbre coupée reste le meilleur matériel biologique pour l?estimation de l?âge et pour acquérir les données essentielles au rétro-calcul. La validation préliminaire de l?âge au radiocarbone 14 a permis de conclure à la formation de deux bandes de croissance annuelle (une phase de croissance rapide et une lente) avec un bon niveau de certitude.
Deux modélisations de la croissance à partir des clés taille ? âge ont été réalisées: une à partir du modèle de Von Bertalanffy (VBGF) à 3 paramètres appliquée aux données rétro-calculées (1VBGF) et une à partir du VBGF à 2 paramètres (modèle de Cailliet) ajusté à la clé taille ? âge individuels (2VBGF). Les résultats des ajustements montrent que les tailles (à la naissance et la taille maximale) des deux espèces sont les plus petites de tous les océans mais correspondent aux tailles déjà observées dans l?océan Indien. Si le requin peau bleu a une croissance intermédiaire (k = 0.14 à 0.16) semblable à celle de la population de l?Atlantique, le requin soyeux a la vitesse de croissance la plus lente de tous les océans.
La considération de ces nouveaux résultats pour l?aménagement de ces deux populations à travers une analyse du risque écologique des populations de requins de l?océan Indien réalisée en 2012 est discutée.